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Scribes of the Imperium

Vous trouverez ici des règles "maison", des modifications, addenda, ajouts de background, personnages et autres élucubrations rôlistiques compatibles avec l'ensemble (ou presque!) de la gamme de jeu de rôle de l’univers de Warhammer 40k. Les règles "maison" présentées ici ont été testées, jouées, validées et définitivement adoptées par une demi-douzaine de table et autant de MJ sur plus de cinq années. Les éléments de background et d'historiques sont soit des créations originales, soit de très lourds développements d'éléments donnés dans les livres de règles. Le contenu présenté ici n'est pas officiel et pas reconnu par Games Workshop. Il est mis à disposition gratuitement et sans aucune visée commerciale.

Nouvelle "Pitiful Pink" by Gui

Warhammer 40K - Pitiful Pink

(Nouvelle récompensée du premier prix du concours organisé par le magasin Warhammer Dijon en mai 2020)

 

         Lors d'un instant hors du temps, en un lieu qui n'existe pas, tandis que cohabitent le néant le plus glacial et les énergies les plus primitives, une volonté universelle qui n'a pourtant pas conscience d'elle-même tressaille. Alors des marées mystiques engloutissent des pans entiers de l'écheveau de la Réalité ; des vagues de pouvoir frappent des futurs qui ne seront jamais ; des remous désordonnés ébranlent des destinées ; des embruns de doute éclaboussent impitoyablement les actes les plus affirmés ; et ce qui reste d'écume évanescente s'attache à quelque idée malsaine qui traînait par là. C'est incroyable le peu d'énergie qu'il faut pour qu'une idée devienne tangible, pour qu'elle prenne corps et conscience.

 

D'abord émerge un rictus : sourire exprimant la satisfaction d'être enfin, grimace perverse en anticipation des exactions à venir. Le dit rictus orne un buste humain d'où jaillissent des membres trop longs et trop fins, musculeux mais faméliques, vifs mais tordus, et terminés par des appendices griffus ou obscènes. Ce corps grotesque semble constitué d'un plastique brillant. On sait d'avance la désagréable sensation que l'on aurait si on devait y poser le doigt. Comme une craie qui glisse trop vite sur un tableau noir. Et cette couleur ! Rose jusqu'à l'écœurement ! Deux petits yeux malveillants encadrent bientôt un nez démesuré, crochu, pointu, menaçant. Ce trio s'agite et frémit à la recherche d'une proie, d'un jouet, de nourriture, de quelque chose à tourmenter et à détruire ; c'est dans ce but qu'existe désormais Zigouigoui l'Horreur Rose !

 

Zigouigoui s'observe, renifle ce qu'il y a sous son bras, puis ricane en produisant le bruit de la vaisselle précieuse qui dévale un escalier. Elle sautille pour rejoindre ce que d'autres projections d'écume immatérielle ont créé : voici ces semblables ! Semblables, certes, mais toutes différentes ! L'une est plus grasse, l'autre a un nez comme un brugnon. Celle-ci possède quatre yeux, celle-là est marquée d'un croissant de lune. Une dernière possède un robuste tentacule dorsal d'où s'écoule un plasma azuré qui fera à coup sûr fondre la céramite la mieux forgée.

 

« Comment ?!? s'interroge Zigouigoui. Ma sœur Roploplo l'Horreur Rose a reçu un pseudopode ionisant ? Et moi, je n'ai qu'un anus d'aisselle ? »

 

Pauvre Zigouigoui. C'est pas bien parti.

 

Vous remarquerez en premier lieu que les Horreurs Roses ont du vocabulaire, bien qu'elles n'en fassent pas usage régulièrement, et surtout pas en présence des serviteurs de l'Empereur-Dieu qu'elles gratifient plus volontiers de borborygmes et d'éructations humides. Vous constaterez ensuite, à l'instar de Zigouigoui, que la volonté universelle qui n'a pourtant pas conscience d'elle-même fait un peu n'importe quoi avec les mutations dont elle dote ses engeances, à moins qu'elle ne s'en moque, ou que son sens de l'humour soit celui d'un enfant de quatre ans. Ou alors elle réserve un destin tout spécial à Zigouigoui… Oui, voila, c'est ça : elle a un plan pour Zigouigoui ! Pas besoin d'un appendice surchauffé quand l'Architecte des Destinées lui-même veille sur vous ! Rassurée, et aussi pour se moquer de Roploplo, Zigouigoui pète d'aise en agitant lentement les bras au dessus de sa tête. Enfin de son torse. Enfin vous m'avez compris.

 

La horde de démons jubile en se dirigeant vers un portail qui fend la Réalité aussi sûrement qu'un scalpel monomoléculaire ouvre des fesses1.

 

« Voila qui va me conduire droit à un champ de bataille ! décrète Zigouigoui. A moi le carnage et la gloire ! Je m'en vais vomir des flots de magie mutagène à la figure de bio-organismes à peine capables d'utiliser leurs lasguns M36 ! »

 

Ses sœurs se précipitent pour s'engouffrer dans le portail. Elles la bousculent et la dépassent, se jettent dans le tunnel aux lumières mouvantes, et disparaissent instantanément. Soudain, des cris stridents retentissent. Zigouigoui se redresse pour apercevoir un essaim de créatures volantes et hurlantes qui passe au dessus d'elle pour foncer vers le portail. Elles ressemblent à des raies, mais ne sont pas du genre à se laisser ouvrir par un scalpel monomoléculaire. La lumière du portail les fait briller de mille éclats2.

 

A peine la queue du dernier Hurleur a-t-elle quitté ce plan que le portail se referme brutalement au nez de Zigouigoui. Distraite par les démons aériens, elle est arrivée en retard… C'est paradoxal d'être en retard dans un endroit où le temps n'existe pas. Mais ça l'est beaucoup moins si on admet que cet endroit est essentiellement constitué de paradoxe(s). N'est-ce pas ?

 

Pauvre Zigouigoui. Pas de gardes équarris.

 

Quelle tâche grandiose va-t-elle bien pouvoir accomplir pour plaire à ses maîtres ?

 

« Il faut bien reconnaître que je suis très moche, constate Zigouigoui. Et je devrais pouvoir facilement hanter les rêves et les visions d'un artiste quelconque ; c'est l'enfance de l'art pour un démon. Il me représentera sous mon pire jour, n'oubliant aucune difformité, et mes traits grossiers et distordus bouleverseront les esprits de ses contemporains. »

 

Ni une ni deux, elle entreprend d'aller gratter aux limites de la conscience de Willerm, jeune auteur au service de la propagande du Munitorum. Elle lui apparaît dans toute sa laideur et le poursuit en dansant d'un songe à l'autre. Pourtant, lorsque Willerm se réveille, il est amusé. Il a rêvé d'hommes sans têtes. Ou plutôt d'hommes avec le visage inscrit dans le torse. Ça lui rappelle quelque chose. Car en effet il a eu la chance d'étudier ce phénomène artistique à l'université des arts de Jurande. Sans perdre une minute, il se prépare un double recaf, puis allume son ancienne tablette-data et relit ses cours :

 

« De tous temps les hommes ont toujours aimé imaginer et figurer des entités monstrueuses, versions caricaturales et saugrenues d'eux-mêmes… énonce-t-il. Parmi les représentations picturales les plus anciennes (circa 290M02), on peut relever l'exemple des blemmyes, ou blemmiens, tribu cachée d'hommes sans têtes, dont les éléments du visage apparaissent sur le tronc. Il sont rattachés à la famille des grylles, créatures fantasmatiques de la même période pré-impériale. »

 

Tapie comme un chien dans un coin de la pièce, en embuscade entre l'Immaterium et l'espace physique, Zigouigoui n'en croit pas son absence d'oreilles ! Il y aurait depuis longtemps des évocations de son engeance dans les civilisations humaines ?!? En plus, celui-ci rationnalise tout et l’a traitée de grylle ! Pas moyen de lui faire perdre la raison de cette façon !

 

« Ainsi donc, pour préserver leur santé mentale, les bio-organismes se sont persuadés que mes sœurs étaient juste des bio-organismes plus ridicules qu'eux. Qu'ils sont stupides3 ! »

 

Pauvre Zigouigoui. Pas de points de Folie.

Restant à l'affut de la moindre opportunité, Zigouigoui ressent soudain que l'Immaterium bruisse. Elle se laisse porter par les flux de pouvoir et perçoit une scène amusante : il semblerait qu'un insensé soit en train d'ouvrir un grimoire, maudit bien sûr, cela va sans dire, dans la plus pure tradition des grimoires maudits. Or donc, sur un vaisseau de commerce stationné en orbite haute d'Osra Ultima, l'archéo-savant Balter vient de faire sauter le dernier cadenas qui l'empêche d'accéder aux savoirs du Inordinationem Opus De Tenebris Tribunalis (avec un nom pareil, ça ne fait aucun doute qu'il est maudit). Evidemment, ces savoirs sont interdits, et Balter l'ignore.

 

« Dès qu'il aura plongé son regard dans les lignes du tome, son esprit sera lourdement corrompu et largement ouvert. Paf ! J'en profite pour m'y faufiler, je le possède, et on va se marrer ! » calcule Zigouigoui.

 

D'une main tremblante, l'archéo-savant soulève lentement la couverture. Il inspire profondément avant de commencer sa lecture. Un zéphyr venu de nulle part fait s'envoler quelques feuilles posées sur son bureau… De l'autre côté, Zigouigoui trépigne et ouvre de grands yeux impatients. Soudain, la porte s'ouvre dans un feulement, une petite femme encapuchonnée de noir pénètre et, en guise de salutations, dégaine deux pistolets plasma. Des mécadendrites de tir jaillissent de son dos, et une douzaine de boules incandescentes incinèrent l'archéo-savant sans qu'il ait eu le temps de lever les yeux. Le com-vox général crépite :

 

« Inquisitrice Xin ? Tout va bien ? Vous l'avez persuadé de ne pas ouvrir le grimoire ?

- Mon argumentaire l'a touché, oui. »

 

Zigouigoui remet sa langue dans sa bouche et observe la scène avec circonspection. Si elle ne peut plus posséder le vieil académicien, elle se contentera de la triste petite brune.

 

« Voyons ce que nous avons là, marmonne Ariellina Xin. Energies théogonales et non-matière psynégésique, influence et impermanence des pôles galactiques, un schéma plus que perfectible de la Magna Deambula Slaaneshii… C'est d'un banal à chialer… Bien, on va pas y passer Sanguinala ! »

 

Les pistolets chuintent et déversent une grêle de boules de plasma sur le grimoire qui s'évapore. Zigouigoui ne comprend pas ce qui vient de se passer. L'humaine aurait dû succomber ! Elle devrait être en elle ! Encore toute à sa surprise, elle se retire dans l'Immaterium.

Pauvre Zigouigoui. Une armure de mépris !

 

Une idée passe par la tête de Zigouigoui. Non… On va plutôt dire que l'idée lui traverse l'esprit : si elle ne peut ouvrir la porte pour passer dans le plan physique, autant se tenir prête en attendant que quelqu’un l’ouvre depuis l’autre côté.

 

Et elle fait bien. Car depuis le dernier étage de sa tour perdue au milieu des épaisses forêts blotties au pied des Montagnes Grises, un démoniste entonne l’invocation d’un démon mineur de l’Aigle Prismatique. En grand professionnel, il a pensé à tout : cercle d’invocation dûment tracé avec les cendres d’un orme dans les branches duquel un charlatan a été pendu, runes de protection hexagrammiques en sel de Sartosa, et bien sûr le cœur d’un humain sacrifié aux Puissances de la Ruine, même s’il se demande où il va bien pouvoir se fournir en fromage de chèvre maintenant. Les astres sont alignés, Morrslieb n’est pas apparue la nuit précédente, un réceptacle a été préparé pour accueillir le démon et ses tâches sont sans ambiguïtés.

 

« Et puis il n’en est pas à son coup d’essai, remarque Zigouigoui en observant le Warp pulser d’un rythme régulier en réponse à l’incantation. Il vaut mieux commencer ma carrière de démon au service d’un sorcier qui connaît son boulot. »

 

La langue secrète impie résonne dans la tour et dompte les flux magiques qui se concentrent devant le démoniste avant de dissoudre la trame de la Réalité, laissant libre passage à ce qui attend. Mais le printemps est en avance cette année dans le Reikland et la brise porte quelques grains de pollens jusqu’au nez de l’invocateur qui ne peut réprimer un éternuement ravageur. La litanie s’interrompt, le sel de Sartosa s’envole, et une épaule brunâtre et couverte de bubons percute Zigouigoui.

 

« Faites excuse on m’demande ! bave le Porte-Peste.

- Hey ! C’est pas votre t… » essaie d’articuler Zigouigoui alors que le démon de Nurgle matérialise une lame verte d’oxydation directement dans les tripes du sorcier.

 

Son râle d’agonie s’entend jusqu’à Bögenhafen, ville qui traîne déjà depuis longtemps une sale réputation auprès des séides du Seigneur du Changement4.

 

Pauvre Zigouigoui. Doublée par la maladie.

 

Il y a de quoi perdre sa bonne humeur, et Zigouigoui n’en est pas loin. Le Marchand de Couleurs qui vient d’arriver dans une pluie d’étoiles va arranger tout ça. Toutes les Horreurs Roses du coin s’agglutinent à ses pattes.

 

« Donne-nous des couleurs, Marchand de Couleurs !

- Oui, oui, donne !

- A nous les beaux atours, à nous les nouvelles couleurs ! »

 

Avec des grands gestes cérémonieux, le Marchand de Couleurs distribue un pot de couleur à chaque Horreur. Pas de chance pour Badabok qui s’asperge de bleu : elle se sépare en deux et repart, maussades mais bleues. Bidulbuk reçoit le gros lot : du doré !

 

« Evidemment, c’est celle qui a une bouche dans la bouche de sa bouche qui devient en plus une Horreur Dorée5 ! C’est injuste ! » gesticule Zigouigoui en essayant de récupérer un pot.

 

Il n’en reste plus qu’un, qu’elle ouvre avec avidité. Du rose. C’est un pot de rose ! Elle le renverse sur elle et reste rose.

 

« Remboursez-moi ce pot de couleur gratuit, Marchand de Couleurs ! Même Roploplo en a eu un mieux que le mien ! Regardez, elle a eu un pot de demi-marron !

- Oui, je vois, Zigouigoui. Et maintenant elle est rose devant et marron derrière… acquiesce le Marchand de Couleurs en s’éloignant.

- Je suis vraiment un zéro, vocifère Zigouigoui qui n’arrive même pas à être triste.

Le Marchand de Couleurs se retourne dans un tourbillon de plumes.

- Allons, allons, rien n'est zéro, puisque zéro est rien. Au contraire, tout est l'inverse de zéro : une infinité d'infinités. Cette vérité est telle qu'on ne peut même pas l'écrire. Tu cherches à être unique, comme les vivants chérissent leur individualité. Pourquoi vouloir une seule identité alors que tu peux tendre vers toutes ? Viens avec moi, je vais te montrer quelque chose. »

 

Pauvre Zigouigoui. Rose vaut mieux que gris.

 

Le Marchand de Couleurs et Zigouigoui arrivent sans dévier au cœur d’une bataille. Le sol labouré par les tirs d’artillerie répond au ciel strié par les aéronefs de chasse. Engagés dans un corps-à-corps frénétique, hommes et démons ont oublié de survivre et n’ont plus qu’une obsession : tuer. Le Marchand de Couleurs contemple le massacre et le commente d’un ton docte :

 

« Comprends-tu que c’est ici que le champ des possibles est le plus étendu ? Les individualités s’effacent devant la puissance de l’entropie. Lorsque la guerre éclate, tout être, qui se pensait jusqu’alors unique, est plus que jamais soumis au destin. Le résultat de chaque action est déterminé par le hasard, comme si on devait lancer un dé pour toucher, un autre pour infliger des dégâts, et si notre adversaire pouvait lui aussi jeter un dé pour s’en protéger. Le secret pour vaincre est d’influer d’une manière ou d’une autre sur ce terrible hasard. »

 

Frappée par cette sage leçon, Zigouigoui ne voit pas Randomus le Chevalier Gris qui la charge !

 

« Vouch ! » fait la vouge de force nemesis de Randomus6.

 

Pauvre Zigouigoui. Ça s'est mal fini.

 

Heureusement pour elle, lors d'un instant hors du temps, en un lieu qui n'existe pas, tandis que cohabitent le même néant glacial et des énergies définitivement primitives, une volonté universelle qui n'a toujours pas conscience d'elle-même tressaille…

 

 

 

1 : Voir Johnny Couillu contre les Eldars Désanuseurs de Psykers.

2 : 1009 éclats exactement. Le Grand Mutateur ne plaisante pas avec les chiffres et surtout pas avec les nombres premiers.

3 : Zigouigoui n'est pas très maligne non plus. Il faut lui pardonner : de par son essence même, elle ne peut pas penser que son apparence est le fruit de l'imagination des humains, et non le contraire. Tout comme les raisons profondes de l'existence des démons résident dans les comportements et les perversions inhérentes aux vivants.

4 : Ne pas voir WFRP The Ennemy Within.

5 : Zigouigoui semble savoir ce qu’est une Horreur Dorée, elle.

6 : Par la grâce du Trône d'Or, toutes les armes des Chevaliers Gris ne font pas le bruit de leur nom. Imaginez une épée qui émettrait une petite flatulence à chaque coup ; ça ne ferait pas sérieux sur un champ de bataille d'un univers où il n'y a que la guerre.

 

 

Guillaume Vaillaut, 26/04/2020

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